L’intention de retrait d’un titre de séjour a-t-elle une influence sur la décision implicite de rejet ?

Mon client, un ressortissant turc résidant de manière stable et continue en France depuis 36 ans, est titulaire d’un titre de séjour et plus précisément d’une carte de résident.
Le 7 mars 2023, il en demande le renouvellement et obtient un récépissé.
Une décision implicite de rejet est alors née le 7 juillet 2023.
Le dernier récépissé expire le 11 décembre 2024, et il en sollicite un nouveau.
Entre-temps, le 12 novembre 2024, il reçoit un courrier du préfet de Seine-et-Marne l’informant de sa volonté de lui retirer sa carte de résident.
Le 17 décembre 2024, la préfecture de Seine-et-Marne lui indique que son dossier « est toujours en cours d’instruction ».
Sans renouvellement de son récépissé, il se trouve désormais exposé à une grande précarité en raison de sa situation irrégulière.
Il conteste ainsi la décision implicite de rejet du 7 juillet 2023 concernant sa demande de renouvellement de carte de résident et assortit cette contestation au fond d’un référé-suspension.
À ce stade, le préfet de Seine-et-Marne indique que son intention de retirer la carte de résident doit être regardée comme une décision expresse de rejet.
Cependant, la lettre du 12 novembre 2024, dont se prévaut le préfet, a pour seul objet d’informer mon client de son intention de refuser le renouvellement de la carte de résident et de l’inviter à présenter des observations préalables dans un délai de quinze jours, ce qu’il a fait.
À ce jour, il n’existe donc dans l’ordre juridique aucune décision explicite de retrait de la carte de résident, ni aucune décision implicite retirant ou abrogeant la décision implicite de rejet née le 7 juillet 2023.
La réponse de la préfecture indiquant que la demande de renouvellement est « toujours en cours d’instruction » ne fait pas obstacle à la naissance de la décision implicite de rejet en litige.
Sur la condition d’urgence
La présomption d’urgence s’applique en matière de renouvellement de titre de séjour. Les arguments avancés par le préfet de Seine-et-Marne – selon lesquels :
• la décision n’a pas pour effet d’éloigner mon client du territoire ;
• la décision implicite de rejet ne menace pas son emploi ;
• mon client ne justifie pas de la perte de ses droits sociaux ;
• et il a été condamné le 6 septembre 2021 à une peine de dix mois de prison avec sursis pour escroquerie, travail dissimulé et blanchiment (en réalité, il a perçu une aide au titre du Covid par erreur dont il n’a même pas bénéficié)
ne permettent pas de renverser cette présomption.
En effet, ces faits sont insuffisants pour caractériser un intérêt public justifiant l’absence d’urgence.
Par ailleurs, mon client a produit un courrier de la CAF, reçu en décembre 2024, lui demandant de présenter un nouveau titre de séjour pour maintenir ses droits.
TA Melun, réf., 22 janvier 2025, n°2415623
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