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14 ans. Un visa valide. Enfermée à l’aéroport par le ministre de l’Intérieur, libérée par le juge.

  • samydjemaoun
  • il y a 22 heures
  • 4 min de lecture

Le 28 juillet 2025, M., 14 ans, atterrit à Paris-Orly.


Enfermement enfants aéroport

Son premier voyage en France. Des vacances prévues chez sa tante et de ses cousins, tous installés légalement en France. Ils se faisaient une joie de l'acccueillir.


Un visa en règle, délivré par le consulat français en Côte d’Ivoire. Un retour prévu le 17 août.


Et pourtant.


Le ministre de l’Intérieur lui refuse l’entrée sur le territoire et la place en zone d’attente.


Motif invoqué par la Police aux frontières (PAF) : elle n’aurait pas su répondre clairement à leurs questions… alors qu’elle ne parle pas français.


Une privation de liberté arbitraire


M. est enfermée plusieurs jours, dans la même pièce de 3 m² où, quelques heures plus tôt, un petit garçon de 10 ans, avait été illégalement maintenu et qui, toujours privé de liberté, se trouvait donc encore avec elle, jusqu’à ce que je parvienne à le faire libérer un jour avant elle.


Pas de lumière naturelle. Pas d’accès à l’extérieur. Nourrie uniquement de chips et de compote.


Chaque jour, de 6h à 21h, l’enfant est recluse dans cet espace exigu.


L’administratrice ad hoc décrira un état de détresse psychologique aiguë :

  • pleurs continus,

  • refus total de s’alimenter,

  • sidération manifeste.


Le juge constate une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales


Je saisis en urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Melun qui relève l’incohérence flagrante de la décision de refus d’entrée édictée par le ministre de l’Intérieur :


  • « Il ressort des termes de la décision de refus d’entrée sur le territoire français que la police aux frontières de l’aéroport d’Orly a opposé à Mlle M. le fait qu’elle n’était pas détentrice des documents appropriés attestant du but et de ses conditions de séjour. Pourtant, il résulte de l’instruction qu’elle devait être prise en charge par sa tante, Mme L, ressortissante ivoirienne née le 24 janvier 1991, sÅ“ur du père de la jeune M., et par le concubin de celle-ci, M. I.T, ressortissant ivoirien né le 1er août 1984, qui se trouve donc être l’oncle par alliance de la requérante. Il résulte de l’instruction qu’ils sont tous deux en situation régulière et stable sur le territoire français, étant titulaires de cartes de résident de dix ans valables jusqu’en 2029, et qu’ils ont les ressources financières pour subvenir aux besoins de Mlle M. pendant la durée de son séjour en France, lequel est prévu jusqu’au 18 août, date de retour de la jeune M. en Côte d’Ivoire, ainsi qu’en atteste son billet d’avion de retour, puisqu’ils sont tous les deux insérés professionnellement. Par suite, c’est de manière erronée qu’il a été opposé à la requérante une absence de documents attestant du but et de ses conditions de séjour en France. »


Et de conclure :


  • « Il résulte de ce qui précède qu’en refusant le 28 juillet 2025 l’entrée de Mlle M. en France et en la plaçant en zone d’attente, l’administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir de la jeune M., ainsi qu’à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son intérêt supérieur.»


Une pratique qui se répète


Ce 28 juillet, Maïmouna n’était pas seule.


K., 10 ans, est arrivé le même jour et a subi le même traitement : placée en zone d’attente, je le fais libérer "Trois jours. Trois mètres carrés. Dix ans."

La PAF tente de le placer à l’Aide sociale à l’enfance. J’ai dû saisi la procureure qui a stoppé in extremis cette tentative de placement et a ordonné sa remise à ses parents, résidents régulièrement en France.


Ces deux affaires ne sont pas des exceptions : elles traduisent une pratique inquiétante et récurrente d’enfermement arbitraire d’enfants isolés, non-francophones, dans des conditions indignes, contraires au droit international et aux droits fondamentaux.


En septembre 2024, une enfant de 12 ans est resté seul, enfermé pendant 11 heures dans la zone d’attente d’Orly, sans administrateur ad hoc.

J’ai saisi le juge. Elle a été libérée.

 

En octobre 2024, une française de 11 ans a été retenue dans la même zone, dans les mêmes conditions, dans la même inhumanité.

J’ai plaidé. Elle est sortie.

 

En novembre 2024 : un enfant de 13 ans. Arrivé à Roissy pour fêter son anniversaire avec sa mère. Placé seul en zone d’attente, sans représentant légal, dans une chambre infestée de punaises, fenêtres condamnées, repas insuffisants.

Le ministère a refusé de désigner un administrateur ad hoc parce que sa mère (en jour régulier) était restée avec lui.

J’ai déposé le recours. Il a été libéré la veille de son anniversaire. Il a pu souffler ses bougies en famille.

 

Et le 31 juillet 2025, K. 10 ans. Trois jours dans 3 m².

Une détresse évidente. Une irrégularité manifeste

Le juge a reconnu l’irrégularité. Et c’est la procureure qui, in extremis, a imposé qu’il soit rendu à ses parents, malgré la résistance de la PAF.


Une libération… et après ?


À la suite de l’injonction du juge, M. a été immédiatement remise à sa tante.


Mais derrière la froideur administrative, il y a la réalité vécue par M. : 14 ans, seule, enfermée dans 3 m², sans lumière du jour, nourrie de chips et de compote, pleurant sans discontinuer, refusant de s’alimenter, figée dans un état de sidération.


Ce traumatisme, elle le portera bien au-delà de ces trois jours.


Et que dit cette scène de la France ? Qu’un pays qui enferme une enfant venue passer des vacances, avec un visa en règle, est prêt à piétiner ses propres principes (l’intérêt supérieur de l’enfant, la dignité humaine, le droit à la liberté) au nom d’une logique sécuritaire dévoyée. Qu’à ses frontières, la République oublie les valeurs qu’elle prétend défendre.


Combien d’autres enfants devront subir ces traitements avant une réforme en profondeur des pratiques administratives aux frontières ?


Avocat au barreau de Paris

 
 
 
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