Le juge condamne à nouveau le département de Essonne : la protection de l’enfance ne s’arrête pas à 3 ans
- samydjemaoun
- il y a 10 heures
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Pour la première fois, le juge des référés consacre la continuité de l’hébergement malgré la fin de compétence du département, au nom de la protection de l'enfance.
Le département de l'Essonne est une nouvelle fois condamné pour avoir voulu remettre à la rue une mère victime de violences et ses quatre enfants avec une injonction claire : réexaminer sans délai la situation de ma cliente et de ses quatre enfants afin de continuer à leur proposer sans solution de continuité un hébergement d’urgence conforme aux exigences résultant de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, en s’assurant en particulier que cet hébergement permette de répondre de manière appropriée aux besoins éducatifs des enfants.

Rappel de la première condamnation du département de l'Essonne
Le 27 octobre 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles avait statué : le département de l’Essonne devait, dans les meilleurs délais, réexaminer la situation de ma cliente et lui offrir un hébergement conforme aux exigences de l’article L. 222-5 du Code de l’action sociale et des familles.
En savoir plus :
Une injonction claire, délibérément ignorée. Et pour toute réponse : le silence
Dès le lendemain de la décision, j'ai écrit (à plusieurs reprises) aux services départementaux : aucune réponse.
Alors, j'ai décidé de saisir directement les élus du département :
le président du conseil départemental de l'Essonne, la vice-présidente ainsi que les conseillers en charge des questions d'hébergement.
Aucun n’a répondu.
Pas un seul.
Le droit, ici, s’efface sous le poids de l’indifférence.
La rue devient le prolongement administratif de la carence publique.
Le simulacre de l'exécution
Ce n’est que le 30 octobre 2025, soit trois jours après l'ordonnance du juge des référés et après une multitude de relances restées sans réponse, que la famille a finalement été hébergée.
Mais l’exécution n’a été que contrainte et provisoire : un hébergement pour deux semaines seulement, jusqu’au 13 novembre 2025, date à laquelle la plus jeune enfant atteindra… trois ans.
Trois ans : âge administratif de la fin de la dignité.
La réponse du juge
Le juge, heureusement, n’a pas été dupe.
Les motifs de son ordonnance sont aussi clairs qu'inédits :
« La rupture de cet hébergement, en particulier à l’approche de la saison hivernale, compromettrait gravement la santé, la sécurité, l’entretien et l’éducation des enfants.
La circonstance que leur hébergement incomberait en principe à l’État ne saurait faire obstacle à la poursuite d’une aide rendue indispensable par la situation des enfants de Madame D.. »
En clair : le département ne peut pas se cacher derrière la compétence de l’État pour abandonner une mère et ses quatre enfants sous prétexte que le plus jeune aura trois ans le 13 novembre 2025.
Le droit à la protection n’est pas conditionné à l’âge du dernier enfant.
Le juge ordonne donc au département de poursuivre sans discontinuité l’hébergement, en veillant à ce qu’il soit compatible avec la scolarisation des enfants.
Là encore, précision essentielle : la solution proposée par le département — à Boussy-Saint-Antoine, à 1h25 des écoles de Corbeil-Essonnes — rendait toute scolarité stable impossible.
Et le constat est accablant.
Trois écoles, deux collèges en deux mois, des démarches sans fin, des ruptures à chaque déménagement : le parcours scolaire des enfants témoigne d’une errance administrative plus que d’une protection effective.
Le déplacement imposé à Boussy-Saint-Antoine ne relevait pas d’une véritable solution d’hébergement (il n’était ni pérenne, ni adapté) mais d’un éloignement subi, générateur d’instabilité géographique et scolaire.
C’est précisément pour cette raison que le juge a enjoint au département de « réexaminer sans délai la situation de ma cliente et de ses quatre enfants afin de continuer à leur proposer sans solution de continuité un hébergement d’urgence conforme aux exigences résultant de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, en s’assurant en particulier que cet hébergement permette de répondre de manière appropriée aux besoins éducatifs des enfants. »
Une décision inédite : le juge consacre la continuité de l’hébergement au-delà de la compétence du département au nom de la protection de l'enfance
Trois ans : seuil administratif de l’abandon, justification bureaucratique de l’indignité.
Le 13 novembre 2025, le département de l’Essonne voulait remettre à la rue une mère victime de violences conjugales et ses quatre enfants.
Motif : la plus jeune aura trois ans.
Le juge a répondu : non.
La dignité humaine ne s’arrête pas à trois ans.
Et, pour la première fois à notre connaissance, le juge des référés consacre l’obligation de continuité de l’hébergement, même après la fin de compétence du département.
Une avancée juridique majeure : le devoir de protection ne s’interrompt ni avec une date, ni avec une compétence administrative.
Et si l’administration (en l’occurrence le département de l’Essonne) devait encore l’oublier, qu’elle se souvienne de ceci :
le droit à l’hébergement n’est pas une faveur,
c’est une obligation légale,
et, plus encore, un devoir humain.
Avocat au barreau de Paris




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