Le ministre de l’Intérieur a estimé, à tort, que la demande d’asile à la frontière d’un ressortissant zimbabwéen était manifestement infondée : c’est ce qu’a jugé le tribunal administratif de Paris.
Les demandes d'asile en France par des ressortissants zimbabwéens sont rares.
Ce dossier met ainsi un éclairage sur les persécutions, au Zimbabwe, subies par les opposants politiques.
Mon client, un ressortissant zimbabwéen, est arrivé à Roissy après avoir fui les persécutions politiques dans son pays. Placé en zone d’attente, il a déposé une demande d’asile à la frontière. Cependant, cette demande a été rejetée par le ministre de l’Intérieur, qui l’a considérée comme manifestement infondée.
Pourtant, mon client a quitté le Zimbabwe en raison des persécutions qu’il subissait en raison de son engagement dans le parti d’opposition, la Coalition citoyenne pour le changement (Citizens Coalition for Change – CCC).
À titre d’exemple, le rapport d’Amnesty International de 2023 [1] décrit la répression importante exercée par le parti au pouvoir, le ZANU-PF, contre les opposants politiques, notamment des arrestations arbitraires, des détentions illégales et des violences à leur encontre :
Le 23 août, des agents des forces de sécurité ont arrêté arbitrairement une quarantaine de membres du personnel des organisations de la société civile Election Resource Centre et Zimbabwe Election Support Network. Ces arrestations étaient liées à la publication d'un rapport du Forum des ONG de défense des droits de l'homme du Zimbabwe, qui détaillait les irrégularités électorales observées le 23 août. Après leur arrestation, la police a saisi leurs téléphones portables et les a forcés à s'allonger face contre terre pendant trois heures. Ils ont été détenus au secret au commissariat central de Harare pendant deux jours et n'ont pas eu accès à leurs avocats ou aux membres de leur famille, en violation des dispositions de la Constitution et des normes internationales en matière d'équité.
Le 25 août, ils ont été inculpés d'infraction à l'article 66 de la loi électorale, en liaison avec la loi sur la codification et la réforme du droit pénal, et libérés contre une caution de 200 USD chacun. Les autorités ont affirmé qu'ils avaient tenté d'annoncer les résultats des élections avant l'annonce officielle de la Commission électorale du Zimbabwe. Des agents de l'État soupçonnés d'être responsables d'une série d'enlèvements de militants de la CCC, pendant et après les élections. Le 26 août, des agents en civil ont perturbé une conférence du CCC et tenté d'arrêter le porte-parole du parti, Promise Mkwananzi. Cette tentative a été suivie d'une série d'enlèvements, toujours par des agents présumés de l'État, dont celui de Womberaiishe Nhende, membre du conseil municipal, et de son ami Sonele Mukhuhlani, qui ont été torturés avant d'être abandonnés dans la banlieue de Harare le 2 septembre. "
Mon client vivait dans un village isolé, dépourvu d’accès aux services essentiels comme les hôpitaux et les écoles. Les membres du CCC étaient les seuls à lui apporter une aide concrète. Engagé dans la lutte contre les travaux forcés des enfants, il espérait offrir un avenir meilleur à ses propres enfants.
Lors d’une manifestation en juillet 2024 qu’il avait contribué à organiser avec le CCC, il a été arrêté, détenu pendant huit jours et soumis à des traitements inhumains et dégradants : il a été battu, contraint de boire son urine et nourri avec des aliments empoisonnés. Il a été libéré grâce à l’intervention de l’avocat du CCC.
Lors d’une seconde manifestation, mon client est devenu une cible recherchée par les membres du parti présidentiel. Ne le trouvant pas, des membres du ZANU-PF se sont rendus chez lui et ont violemment agressé son fils et sa femme, dont il est sans nouvelles à ce jour.
Le tribunal administratif de Paris a jugé que :

Les persécutions contre les membres de l’opposition du parti Citizen’s coalition for change demeurent. Le 23 septembre 2024, le tribunal a refusé la libération du leader du parti, incarcéré depuis juin malgré les dénonciations de nombreuses ONGs [2]. Amnesty International a rappelé à cette occasion que 160 membres du part ont été arrêtés arbitrairement pour les empêcher de participer au sommet de l’Afrique australe [3].
Le rapport de Human Rights Watch de 2023 témoigne des mêmes persécutions à l’égard des opposants politiques et de leur recrudescence depuis les élections de 2023 :
« L'impartialité de la Commission électorale du Zimbabwe avant et pendant les élections a également suscité des inquiétudes. Le climat de menaces, d'intimidation, de répression et de violence à l'encontre des opposants politiques a gravement compromis l'environnement électoral.
L'incapacité du gouvernement à enquêter et à poursuivre les abus commis principalement par les partisans du parti au pouvoir, le ZANU-PF, et par les forces de sécurité de l'État a enraciné la culture de l'impunité, en particulier avant les élections du 23 août.
(...)
Les autorités zimbabwéennes ont continué à utiliser la loi comme arme contre les détracteurs du gouvernement, refusant aux personnes arrêtées la présomption d'innocence, le droit à la libération sous caution et l’accès à un procès équitable.» [4]
Après l’annulation de la décision de refus d’entrée au titre de l’asile par le tribunal administratif, mon client a été admis sur le territoire français afin de déposer une demande d’asile en procédure normale.
[2] https://www.voaafrique.com/a/refus-de-libert%C3%A9-sous-caution-pour-le-chef-de-l-opposition-zimbabw%C3%A9enne/7795343.html
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