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Une OQTF « définitive » n’est pas une OQTF « condamnée à exécution » : l'exemple de l'OQTF devenue inexécutable

  • samydjemaoun
  • 26 sept.
  • 4 min de lecture

On lit souvent (à tort) qu’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) devenue définitive ne laisse aucune marge de manœuvre.


Pourtant, la jurisprudence (récente) rappelle un point essentiel : l’exécution d’une OQTF peut être interrompue s’il survient, postérieurement à son édiction, des circonstances nouvelles de fait ou de droit qui rendent sa mise à exécution impossible.


À titre liminaire, il faut souligner la portée concrète de cette règle : mon client, placé en centre de rétention administrative avec un routing déjà demandé vers l’Algérie, s’est retrouvé en quelques heures libre, et la préfecture a été enjointe de réexaminer sa situation.


J’ai ainsi récemment obtenu, en référé-liberté, sa libération de rétention administrative, alors que le préfet s’apprêtait à exécuter une OQTF.


l'exemple de l'OQTF devenue inexécutable

Le contexte factuel


  • Le 19 décembre 2024, le préfet des Yvelines prononce un refus de titre de séjour assorti d'une OQTF à l’encontre de mon client, ressortissant algérien ;

  • Le 10 juin 2025, le tribunal administratif de Versailles, saisi d’un recours pour excès de pouvoir, confirme la légalité de ce refus de séjour et cette OQTF ;

  • Le 13 décembre 2025, le préfet des Yvelines, estimant disposer d’une OQTF exécutoire, place mon client en rétention administrative, dans l’optique de procéder à son éloignement.


À ce stade, tout semblait figé dans un schéma classique : OQTF confirmée, exécution imminente.


Le changement factuel déterminant : les 10 ans de présence, un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'accord franco-algérien


Entre le 19 décembre 2024 et le 10 juin 2025, un élément décisif survient : en mai 2025, mon client atteint le seuil des dix années de résidence continue en France.


Or, l’article 6-1 de l’accord franco-algérien prévoit expressément que tout ressortissant algérien ayant résidé dix ans en France de manière continue obtient de plein droit un certificat de résidence portant la mention “vie privée et familiale”.


Cet élément est crucial : il constitue une circonstance nouvelle de droit, inexistante au moment de l’arrêté, qui fait directement obstacle à la mise à exécution de l’OQTF.


La saisine du juge des référés et la suspension de la mise à exécution de l'OQTF


Saisi en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (référé-liberté), le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a tenu audience dans un délai de quatre heures et rendu, une heure après, une ordonnance qui :


  1. Suspend la mise à exécution de l’OQTF et de la fixation du pays de renvoi du 19 décembre 2024 ;

  2. Ordonne la fin immédiate de la rétention administrative.

  3. Enjoint au préfet de réexaminer la situation personnelle de mon client dans un délai de deux mois.


Des précédents confirmant cette approche


Dans 2 affaires, j'avais obtenu le caractère non exécutable de l'OQTF :



La présidente du TA de Melun avait annulé la mise en rétention d’un ressortissant haïtien visé par une OQTF du 25 octobre 2023. Entre-temps, la situation sécuritaire en Haïti s’était gravement dégradée : la CNDA avait constaté en 2023 et 2024 un conflit armé interne atteignant un niveau d’intensité exceptionnelle. Ces éléments nouveaux faisaient obstacle à l’exécution de l’OQTF, qui consituait la base légale de l'arrêté de maintien en rétention. La juge avait ainsi annulé cet arrêté et ordonné la remise en liberté de mon client.

 


Le juge des référés avait suspendu l’exécution d’une mesure d’éloignement (dont la légalité avait déjà été confirmée) visant un ressortissant tchétchène ayant reçu, postérieurement à son OQTF, un ordre de mobilisation militaire pour aller combattre en Ukraine. L'OFPRA avait jugé sa 3e demande de réexamen comme recevable au regard de cet élément nouveau. Cette circonstance nouvelle justifiait la suspension, l’éloignement imminent étant susceptible de porter une atteinte grave à ses droits fondamentaux.

 

Les enseignements juridiques à retenir


1. Les circonstances (de fait ou droit) nouvelles peuvent faire obstacle à l’exécution d'une OQTF


Le Conseil d’État l’a rappelé : des éléments postérieurs à l’OQTF (liens familiaux, évolution de la situation dans le pays d’origine, acquisition d’un droit au séjour, etc.) peuvent rendre son exécution illégale.


C’est précisément ce qui se produit lorsqu’un ressortissant algérien atteint dix ans de résidence en France : il bénéficie alors de plein droit d’un titre de séjour, rendant toute OQTF inexécutable.


Il convient de rappeler que, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, le juge administratif n’examine la légalité d’un arrêté qu’à la date de son édiction. Les éléments nouveaux ne peuvent donc être pris en compte qu’ultérieurement, par d’autres voies contentieuses.


2. “Définitive” ne signifie pas “irréversible”


Le caractère définitif d’une OQTF signifie seulement qu’elle n’est plus contestable par les voies ordinaires de recours. Il ne signifie pas que son exécution est possible en toutes circonstances.


Dès lors que des évolutions substantielles interviennent, l’administration a l’obligation d’en tenir compte avant de mettre en œuvre l’éloignement.


Avocat au barreau de Paris

 
 
 

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